Recit du Trek au Mustang octobre 2013
Trois ans plus tard, mes pas me ramènent sur la terre du Népal …
Prête à vivre la grande aventure des Himalayas …
Direction le Mustang, entre le Dhaulagiri et la chaine des Annapurnas …le vol
Paris-Doha nous conduit à Katmandu, toujours aussi bruissante d’activités
en tous genres, où l’hindouisme et le bouddhisme se côtoient en bonne
intelligence .
Rues et ruelles sont ponctuées de petits temples où les offrandes de fruits,
de légumes et de riz honorent les divinités. Les maisons d’architecture Newar
allient le bois noir (suria robusta) des fenêtres aux murs de briques rouges.
Foule de bicyclettes, scooters en tout genre empêchent de traverser la
chaussée, voitures et camions s’entremêlent dans une joyeuse cacophonie
de circulation … !
Première nuit à KTM et première matinée consacrée à la visite de
Pashupatinath, lieu de crémation hindouiste et centre de pèlerinage. Le long
de la rivière Bagmati, les gattes reçoivent les corps des défunts recouverts
d’un tissu jaune orange après avoir été baignés dans la rivière sacrée . Ils
sont déposés sur un bûcher qui brûlera 4 heures avant que les cendres
ne soient jetées dans la rivière …Moment émouvant, respect, silence,
compassion … ! Par ailleurs, différents temples émaillent cet immense
espace où vivent de nombreux saddhus, couverts des cendres des morts.
Ces ascètes vivent en communauté dans un ashram.
Puis nos pas nous entrainent vers le stupa de Boudhanath, haut lieu du
Bouddhisme tibétain, le plus connu du Népal. Ce stupa se compose de 5
éléments : le cube représente l’élément terre, le dôme, l’eau, la pyramide, le
feu, le parasol l’air et le pinacle l’éther.
L’aéroport nous attend pour Pokhara, ville située à l’ouest de KTM, passage
obligé de notre route vers le Mustang.
La compagnie Yeti Air nous emmène au-dessus des vallées pour un vol de 25
minutes. Pokhara, la deuxième ville du Népal, point de départ de nombreuses
expéditions vers les Annapurnas, Dhaulagiri, Mustang .
Un orage de taille nous surprend avant la tombée de la nuit mais un poulet
au curry « légèrement épicé » nous donne l’énergie nécessaire pour être
d’attaque le lendemain matin .
En effet à nouveau l’aéroport direction Jomsom, Mustang, notre destination
finale à 2710 m.
Quelques mots sur ce royaume enclavé comme un doigt rentrant dans
le Tibet, à l’ouest du Népal : fondé en 1480 par le prince Ame Pal, fut
un royaume indépendant pendant 5 siècles jusqu’en 1964. Le pays était
gouverné selon les lois introduites au Tibet par Songtsen Gampo au VII ème
siècle. La configuration géographique est à la fois semi-désertique avec des
roches très érodées, des cultures en terrasse et les hauts sommets de 7
à 8000 m. Décollage avec Tara Air, notre petit avion de 19 places survole
montagnes et vallées jusqu’au moment de piquer vers l’aire d’atterrissage en
contournant un massif de très près … !
Ouf ! nous sommes arrivés à destination où notre guide et nos sherpas nous
attendent de pied ferme dès la descente d’avion…
Le temps de manger un Dal Bat et nous partons en direction de Kagbeni à
3 heures de marche, en longeant la vallée de la Kali Gandaki. Cette rivière
réussit l’exploit de franchir l’Himalaya, route importante entre le Tibet et le
Népal. Nous retrouvons comment calquer nos pas sur notre respiration. La
température est de 22 degrés avec le soleil… Tout à l’heure lorsque la nuit
arrivera vers 17 h 30, les doudounes seront les bienvenues … !
Kagbeni, village tibétain, image féodale de ses habitations, ponctuées de
chortens de grande beauté.
Des troupeaux de chèvres pashmina rentrent dans les étables à la tombée
de la nuit sous la conduite des hommes tandis que les femmes tamisent les
grains de céréales de millet, de sarrazin, de lentilles. Nous arrêterons notre
marche pour ce soir dans une tea-house simple mais accueillante. Notre
langue française se perd au milieu de la langue anglaise et de quelques
mots de népali tel que bistari ( doucement ) zam-zam ( on y va ) namaste (
salut ) danyabath ( merci ) …Lever tôt et départ vers Jharkot à 5 heures de
marche 3600 m. Beauté sublime du Mustang entre sommets enneigés, zones
arides et cultures en terrasse au fond des vallées. La moisson bat son plein
dans les moindres recoins de terre. Au cours du chemin mulets, chevaux
et vaches mâtinées de yack nous croisent. L’habitat est féodal, fait de terre
et de pierres, des toits plats recueillent sur leurs bords des strates de bois
marquant la richesse de la maison et sur le toit sèchent les récoltes. Pour
accéder à l’étage, un escalier taillé dans un arbre est posé contre le rebord du
mur. Une courette centrale sert d’étable et d’entreposage des marchandises.
Nos hôtes nous proposeront toujours le Dal Bat, composé de riz, de lentilles,
d’épices, de légumes et de lamelles d’omelette, accompagné de chapatis (
galettes tibétaines ).
Quant à la soupe de nouilles ce sera mon quotidien comme petit-
déjeuner…Arrivée à Jharkot, village tibétain typique avec son gompa au
sommet du village. Les maisons à étage très simple sont enchevêtrées
les unes les autres avec pour ouvertures des petites fenêtres. Partout la
présence de drapeaux de prières verticaux blancs ou de couleur claquent
au vent. Au sommet du village le monastère ou gompa se dresse dans sa
couleur ocre rouge.
De ce village, dans l’après-midi, nous partons faire la découverte de
Dzong, autre village et ancienne forteresse datant de 500 ans perché sur
un promontoire très escarpé, à une heure et demie de marche, à travers
sentes abruptes, arbrisseaux, passage de torrent sur un tronc, dans un
environnement magnifique. Après une nuit réparatrice, nous partons
vers Muktinath, grand lieu de pèlerinage pour les hindouistes, lieu sacré
où les pèlerins se baignent afin de se purifier. Par ailleurs cent bouches
d’animaux, sortant du rocher crachent de l’eau sous lesquelles on passe …en
psalmodiant des mantras. Nous retrouvons à l’entrée du sanctuaire deux
saddhus qui nous marquent d’un onguent rouge et jaune en faisant un vœu.
Un peu plus loin, une nonnerie abrite plusieurs bâtiments. Dans le temple
8 fillettes de 5 à 10 ans lisent leurs livres de prières. Elles deviendront des
nonnes. Dans les familles nombreuses, souvent un des enfants est consacré
par ses parents à devenir moine, fille ou garçon. Ils ne voient leurs parents
qu’une fois par an …Pleins de courage, nous partons en direction de Lupra
en passant par un col à 4200 m.
Les deux sherpas, le guide et nous, marchons lentement au milieu de ce
paysage magnifique à la fois aride et vert dans ces immensités himalayennes.
Le soleil ne nous quitte pas et nous permet d’admirer les hauts sommets
plissés de neige, les montagnes ocre, les falaises ravinées et au fond des
vallées des cultures en étage et les villages fichés sur des promontoires
avec toujours leur gompa au sommet. 5 heures de marche nous font passer
le col et redescendre par une pente raide jusqu’au fond d’un canyon qui
me fait beaucoup penser à la vallée du Zanskar. Arrivée en fin d’après-
midi à Lupra où une tea house va nous accueillir pour la nuit. Ce village est
particulier car il abrite un monastère Bön, très rare datant du 13 ème siècle,
précurseur de la religion bouddhiste. L’hiver, les habitants désertent le village
car la température peut atteindre -20°, seules restent les personnes âgées
et les enfants en bas-âge. Ce soir comme chaque soir au menu ce sera Dal
bat, chapatis, pain tibétain, un verre de roksy (alcool tibétain) et in the bed
car demain matin lever 6 h 30. Cette journée sera longue en marche pour
rejoindre Marpha en longeant le canyon de la Lupra river puis à flanc de
montagne en passant par Tini.
Résultat : 8 h de marche avec un joli dénivellé de plus de1500m et hier
passer de 3500m à 3800m puis de 4200m à 2900m … !!!!!
A Tini, stop, le village est vide, tout le monde est à la moisson, nos sherpas
vont faire la cuisine chez l’habitant, cuire des épinards et nous faire une
délicieuse soupe de nouilles avec des chapatis. Une fois rassasiés, nous
repartons vers Marpha, qui nous paraît si loin au fond de la vallée car il
semble de ne pas avoir de pont à l’horizon pour traverser la rivière. Nous
progressons sur un sentier étroit avec de beaux précipices sur notre droite
mais le sherpa avance sans sourciller et nous le suivons pas après pas.
Cette descente va durer plus de 5 heures jusqu’à enfin trouver un pont
au bout de la vallée et arriver à la tombée de la nuit. Ce soir au repas la
merveille, des spaghettis bolognese dans une tea house… !!!!! Une bonne
nuit de récupération et nous allons visiter un monastère tibétain en haut du
village tout à fait remarquable d’où nous découvrons la manière de faire
sécher les pommes en les découpant en rondelles et en les faisant sécher
en les enfilant dans de longs morceaux de bois. Oui, c’est la Normandie du
Népal … partout des plantations de pommiers. Ce village est surprenant par
son architecture et ses balcons de bois colorés. Nous voilà repartis direction
Jomsom par un chemin bordant la rivière, l’air est délicieux, des chevaux
broutent l’herbe, un troupeau de chèvres pashmina se protège du vent fort qui
souffle le matin à partir de 11h …Nous croisons moultes bus Tata, des motos
qui soulèvent la poussière du chemin.
Enfin nous voilà arrivés à la guest house de Jomsom, lieu de consultation
d’un amchi (médecin tibétain), le mot vient du mongol em-chi . Dans sa pièce
où sont entreposés sur des étagères des pots contenant de la poudre de
plantes diverses, il me fait asseoir devant lui et m’explique comment il soigne
ceux qui viennent à lui et son chemin personnel. Après une nuit réparatrice,
lever à 5 h direction aéroport pour Pokhara. Longue attente de l’avion, bloqué
par le brouillard. Hier soir, nous avons distribué tous nos cadeaux à nos chers
porteurs et notre guide Ashok et ce matin ils nous ont remis nos écharpes de trek en
soie blanche, les katas. Ils nous ont quitté les larmes aux yeux, après avoir vécu tant
de jours ensemble….Ils repartent à KTM pour 22 h de bus pour 250 km, c’est dire
l’état des routes … !!!!
Arrivée à Pokhara pour se reposer, surtout dormir et prendre une douche …Le
lendemain, visite d’un gouffre d’où surgit un tourbillon d’eau alimentant le lac puis
visite d’un camp de réfugiés tibétains où je trouve mon radong trompette utilisée
dans les monastères avec les tambours et les clochettes, et redépart vers Katmandu
pour deux jours.
Nous arrivons dans l’après-midi après un vol de 25 minutes, transfert à l’hotel
Dswarika et là décision de partir en taxi à Thamel pour retrouver Philippe Gérard à
la Ktm Guest house… une petite aventure pour être sûr que le taxi va comprendre
où aller, négocier le prix de la course avant de partir et fermer les yeux dans les
carrefours et dans les ruelles… Les élections ne sont pas loin, des slogans et défilés
font la publicité pour tel ou tel parti. En effet le Népal n’a toujours pas de constitution
depuis quelques années et s’apprête enfin à voter. Nous verrons d’ailleurs dans
notre périple plusieurs groupes de militaires armés de fusils-mitrailleurs afin de faire
régner l’ordre. Ouf, après 30 minutes de circulation encombrée, nous arrivons au
point de rencontre. Philippe est là avec à la main un garçon de 7 ans qu’il ramène
à l’orphelinat la maison de Kapill. Ce Français s’occupe d’orphelins et des enfants
des rues de Katmandu. Une humanité absolue et une efficacité à toute épreuve pour
rescolariser ces enfants, les arracher aux violences de la rue, à l’addiction à la colle
…Nous partons en taxi branlant vers cette maison où un couple s’occupe d’eux. A la
nuit tombée, nous découvrons ces visages d’enfants sereins, parlant quelques mots
d’Anglais et on le sent, tellement aimés …Retour avec Philippe à l’hotel où nous
allons diner ensemble dans un endroit autre que les cabanes en planches le long
de la rivière Bagmati, véritable gloaque à ciel ouvert et les déchets que les enfants
récupèrent la nuit pour trier et revendre ce qu’ils peuvent. Philippe nous montre
les photos de ces enfants avant et après …Quel chemin effectué et avec si peu de
moyens … !!!! Il se fait tard, nous nous quittons en nous disant à très bientôt : on a
surnommé Philippe « Père Térésa ».
Nouveau matin, avec notre guide francophone Siam, un Brahmane érudit, nous
partons en dehors de KTM pour visiter un village surmonté d’un magnifique temple
où divinités hindouistes et bouddhistes et de nombreux singes se côtoient dans
la paix et sérénité. Le mantra revient sans cesse OM-MA-NI-PAD-ME-HUM les 6
syllabes représentent les mondes vivants que sont les dieux, les demi-dieux, les
hommes, les animaux, les prêtas et les enfers( la récitation a pour but d’échapper
aux renaissances dans ces 6 mondes pour atteindre la délivrance ou nirvana).
Et là nous avons la chance d’assister à une cérémonie bouddhiste. Les moines
assis de chaque côté de la travée centrale ont leur livre de prières devant eux
avec la clochette et le sceptre. Un des leurs est préposé au tambour , un autre au
radong ou trompette. Je remarque que pendant qu’ils psalmodient, ils tournent leurs
mains plusieurs fois, puis claquent des doigts et enfin tapent dans leurs mains et
recommencent … Moment d’intense profondeur, plongée dans le divin … !
Nous reprenons notre route vers Bhaktapur à travers les champs moissonnés où
s’affairent les paysans. La couleur rouge des saris des femmes se conjuguent au
vert estompé des champs et rizières. Découverte d’une ville extraordinaire, je dirais
une ville-musée du 13 ème siècle, tout est splendide que ce soient les ruelles, les
temples à 3 ou 5 étages, les fontaines surmontées de têtes en bronze de najas, le
tout toujours sous un soleil qui brille sans discontinuer … !
Retour à Patan avec ses temples et palais royal du 16 ème siècle sous la dynastie
des Malla. A l’intérieur une cour utilisée dans deux buts : rendre la justice et des
offices religieux pour le sacrifices d’animaux tels que des buffles, des chèvres, des
canards ou des coqs. De multiples clochettes soulignent les venteaux : pour entrer
dans un temple on doit se purifier d’abord avec un onguent sur le front, rouge ou
jaune selon son état marital puis faire sonner 3 fois la cloche pour annoncer sa
venue aux divinités puis à nouveau purification et refaire sonner la cloche pour
diviniser son quotidien. Chose étonnante, autour des temples, les femmes étalent le
riz sur de grandes nattes, puis marchent dessus pour le sécher puis avec une pelle,
l’envoient sur le côté pour en faire un tas sec.
Avant de repartir à l’aéroport, nous irons une dernière fois à Thamel pour faire des
emplettes en compagnie de Philippe qui nous emmène dans les endroits connus
de lui. Ce sont à nouveau les adieux avec lui, retour à ce très bel hôtel où nous
avons pris un repas typiquement népalais assis sur des chaises basses dans un
raffinement absolu qui nous changeait de nos Dal Bat et chapatis assortis de soupes
de pâtes… !
Nous quittons Katmandu à la nuit tombée pour rejoindre Doha et ses tours de
science-fiction …avant de rejoindre Paris …et la civilisation occidentale… !!!!!!
Voyage initiatique dont la portée m’est totalement inconnue à cette heure ?
Emplie de cette immensité que mes yeux ont capté entre terre et ciel, qui se reflète
dans les regards de ces hommes et femmes tibétains, dans chaque rencontre,
en traversant les villages, les cultures, les lieux de pèlerinage, les chemins, je fais
silence afin de recueillir tous les bienfaits de ces jours passés hors du temps … !
Eric Valli : « L’Himalaya dans la démesure de son relief, la rudesse de son climat,
abrite des peuples dont la vie se construit jour après jour, heure après heure dans
une épopée muette, inlassable, silencieuse, faite de respect, d’ouverture et de
tolérance … »
« Des moments de grâce où l’homme et la nature, dans une combinaison alchimique
rarissime, m’ont laissé entrevoir, transcendant les barrières qui, d’ordinaire, les
séparent, le mystère d’une extraordinaire harmonie …
Moments de vie pure …
Chercher l’insaisissable, cette part d’humanité en nous, invisible, éphémère et fragile
…
Reste le pouvoir des mots et encore les mots, mes mots semblent si pauvres en
regard de l’immensité de l’univers et de la vie.
Se laisser porter, ouvert à tous les possibles en se laissant détourner de nos
chemins initiaux …
Ce que j’ai appris, c’est que cet univers, cette gigantesque barrière se révèle
être depuis l’aube des temps, un lieu de passage, un formidable trait d’union.
Les hommes qui l’habitent, faisant fi des différences culturelles, linguistiques
et religieuses, continuent de la franchir pour s’entraider, échanger, en un mot
survivre. »
Bouddha :
« Il n’y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin. »
« La vie n’est pas un problème à résoudre mais une expérience à vivre. »
« N’oublies pas de vivre avec ton cœur, au ras des hommes pour découvrir le Dieu
qui est en eux. »
Roi du Zanskar Tashi Namgyal Gyalpo